Développements en 1917

Le front occidental, janvier-mai 1917

Les Alliés occidentaux avaient de bonnes raisons d’être profondément insatisfaits des faibles résultats de leurs entreprises de 1916, et cette insatisfaction a été signalée par deux changements majeurs effectués à la fin de l’année. En Grande-Bretagne, le gouvernement de H.H. Asquith, déjà transformé en coalition en mai 1915, est remplacé en décembre 1916 par une coalition dirigée par David Lloyd George ; et le même mois, en France, le poste de commandant en chef de l’armée est transféré de Joffre au général R.-G. Nivelle.

Concernant la situation militaire, la force de combat de l’armée britannique sur le front occidental avait atteint environ 1 200 000 hommes et continuait de croître. Celle de l’armée française avait été portée par l’incorporation des troupes coloniales à quelque 2 600 000 hommes, de sorte que, en incluant les Belges, les Alliés disposaient d’environ 3 900 000 hommes contre 2 500 000 Allemands. Pour les Alliés, ces chiffres suggéraient une offensive de leur part.

Nivelle, qui devait sa nomination au contraste entre le brillant succès de ses récentes contre-attaques à Verdun et les maigres résultats de la stratégie d’attrition de Joffre, était profondément imprégné de l’optimisme dont l’expérience guérissait désormais Joffre. Il a aussi des idées de gloire nationale et, en conséquence, il modifie les plans de Joffre de manière à attribuer à l’armée française le rôle déterminant dans l’offensive qui, selon ses calculs, doit décider de l’issue du front occidental en 1917. Le plan de Nivelle, dans sa phase finale, prévoyait que les Britanniques mènent des attaques préparatoires non seulement au nord des anciens champs de bataille de la Somme, mais aussi au sud (dans le secteur précédemment tenu par les troupes françaises) ; que ces attaques préparatoires attirent les réserves allemandes ; et, enfin, que les Français lancent la grande offensive en Champagne (leurs forces dans ce secteur ayant été renforcées à la fois par de nouvelles troupes provenant des colonies d’outre-mer et par celles transférées de la Somme). La tactique que Nivelle envisage d’utiliser est basée sur celle qu’il a employée avec succès à Verdun. Mais il accorda une confiance excessivement optimiste à sa théorie consistant à combiner « une grande violence avec une grande masse », ce qui consistait essentiellement en d’intenses bombardements d’artillerie suivis d’attaques frontales massives.

En attendant, Ludendorff avait prévu une reprise de l’offensive alliée sur la Somme, et il utilisa son temps pour contrecarrer les plans de Nivelle et pour renforcer le front allemand de deux manières différentes. Tout d’abord, les défenses jusqu’alors plutôt superficielles en Champagne sont renforcées à la mi-février par une troisième ligne, hors de portée de l’artillerie française. Deuxièmement, Ludendorff décide d’anticiper l’attaque en se repliant sur une nouvelle ligne de défense immensément forte. Cette nouvelle ligne, appelée Siegfriedstellung, ou « ligne Hindenburg », est rapidement construite à la base du grand saillant formé par les lignes allemandes entre Arras et Reims. Depuis la position allemande à l’est d’Arras, la ligne se dirige vers le sud-est et le sud, passant à l’ouest de Cambrai et de Saint-Quentin pour rejoindre l’ancienne ligne allemande à Anizy (entre Soissons et Laon). Après un recul préliminaire le 23 février, un retrait massif de toutes les troupes allemandes des saillies les plus à l’ouest du grand saillant vers la nouvelle ligne, plus courte, est effectué sans heurts et rapidement le 16 mars. Les principales villes situées dans les zones évacuées par les Allemands (à savoir , Bapaume, Péronne, Roye, Noyon, Chauny et Coucy) furent abandonnées aux Alliés, mais la région fut laissée comme un désert, avec des routes minées, des arbres coupés, des puits souillés et des maisons démolies, les ruines étant parsemées de pièges explosifs.

Ce retrait allemand déroutant et inattendu disloqua le plan de Nivelle, mais, imperturbable face aux avertissements de tous bords sur le changement de situation, Nivelle insista pour le mettre à exécution. La bataille d’Arras, par laquelle les Britanniques commencent l’offensive le 9 avril 1917, commence plutôt bien pour les attaquants, grâce à des méthodes d’artillerie nettement améliorées et à un nouvel obus à gaz toxique qui paralyse l’artillerie hostile. La crête de Vimy, à l’extrémité nord du front de 15 miles, tombe aux mains du Corps canadien, mais l’exploitation de ce succès est contrariée par la congestion du trafic à l’arrière des Britanniques, et bien que l’attaque soit poursuivie jusqu’au 5 mai, une résistance allemande plus ferme empêche l’exploitation des avancées réalisées au cours des cinq premiers jours.

La propre offensive de Nivelle en Champagne, lancée le 16 avril sur le front de l’Aisne, de Vailly vers l’est, en direction de Craonne et de Reims, se révèle un fiasco. Les troupes attaquantes sont prises au piège dans un réseau de mitrailleuses, et à la tombée de la nuit, les Français ont avancé d’environ 600 yards au lieu des six miles prévus dans le programme de Nivelle. Ce n’est que sur les ailes que des progrès appréciables ont été réalisés. Les résultats se comparent favorablement aux offensives de Joffre, puisque quelque 28 000 prisonniers allemands sont faits au prix d’un peu moins de 120 000 pertes pour les Français. Mais l’effet sur le moral des Français est pire, car les prédictions fantastiques de Nivelle sur le succès de l’offensive sont plus largement connues que celles de Joffre. Avec l’effondrement du plan de Nivelle, sa fortune fut enterrée dans les ruines, et après quelques délais pour sauver la face, il fut remplacé comme commandant en chef par Pétain le 15 mai 1917.

Ce changement fut effectué trop tard pour éviter une suite plus néfaste, car à la fin du mois d’avril, une mutinerie éclata parmi l’infanterie française et se répandit jusqu’à ce que 16 corps d’armée français soient touchés. Les autorités choisirent de l’attribuer à une propagande séditieuse, mais les poussées de mutinerie se produisaient toujours lorsque les troupes épuisées recevaient l’ordre de retourner en ligne, et elles signalaient leurs griefs par des cris significatifs tels que : « Nous défendrons les tranchées, mais nous n’attaquerons pas ». Pétain rétablit la tranquillité en répondant aux justes doléances des troupes ; sa réputation de jugement sobre rétablit la confiance des troupes dans leurs chefs, et il fait comprendre qu’il évitera à l’avenir les attaques téméraires sur les lignes allemandes. Mais la force militaire de la France ne pourra jamais être entièrement restaurée pendant la guerre.

Pétain insiste sur le fait que la seule stratégie rationnelle est de rester sur la défensive jusqu’à ce que de nouveaux facteurs aient suffisamment modifié les conditions pour justifier de prendre l’offensive avec un espoir raisonnable de succès. Son conseil constant était le suivant : « Nous devons attendre les Américains et les chars. » Les chars étaient maintenant tardivement construits en grand nombre, et cette insistance sur eux montrait une reconnaissance naissante que la guerre des machines avait supplanté la guerre de masse de l’infanterie.

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